C’est une grande championne, qui a fait briller très fort l’étoile de l’équipe de France de handball, ainsi que celle de son club messin, où elle a effectué toute sa carrière. Se battre pour dépasser les obstacles, Nina Kanto sait bien ce que cela signifie. Entretien avec une jeune femme passionnée.
Ses premiers pas, Nina Kanto les a effectués au Cameroun, où elle a vu le jour en 1983. Quatre ans plus tard, direction la Seine-Saint-Denis, avec sa mère et sa fratrie. De son propre aveu, sa vocation pour le handball s’est manifestée sur le tard : « J’ai commencé ce sport pour être avec mes copines ! » Visiblement très douée, l’adolescente a intégré sport-études avant de faire ses premiers pas de professionnelle au sein de Metz Handball, une fois le bac en poche. « C’était la condition qu’avait exigée ma mère, qui avait peur pour moi et a insisté pour que je suive des études supérieures, parallèlement à ma carrière de pro », raconte la jeune femme.
Concilier le sport de haut niveau et les études n’est jamais de tout repos. « Les journées étaient longues ! Quand je ne pouvais pas suivre les cours en période de compétition, je récupérais les notes de mes camarades. J’ai aussi subi les reproches de certains professeurs et leurs idées reçues sur les sportifs, ce qui m’a encore plus motivée pour leur montrer qu’ils avaient tort », précise-t-elle. En 2006, ses efforts ont été récompensés : Nina a décroché un DUT Technique de commercialisation, devenant la première sportive de haut niveau à atteindre cet objectif, tout en menant une carrière professionnelle. « Je suis allée chercher ce diplôme avec des béquilles, mes genoux m’ayant lâchée. Ma détermination a forcé l’admiration de mes professeurs », sourit-elle.
Trois ans plus tard, Nina a eu envie de construire une famille. Un projet non recevable par les responsables sportifs de son club… C’était de surcroît l’année où de grands clubs européens l’avaient contactée pour la débaucher. « Pour me garder, Metz Handball a accepté que je revienne un an après la naissance de mon fils, début 2010. C’est le seul club en France à avoir consenti ce type de faveur. » Cette grossesse s’est avérée délicate pour la handballeuse, qui n’a pas bénéficié d’un accompagnement physique et psychologique. « Ma gynéco ne connaissait rien aux sportives de haut niveau. En plus, j’ai eu un problème à la thyroïde, ce qui m’a fait prendre 35 kg ! » Sa détermination l’a aidée à retrouver son poids de forme seulement quatre mois après l’accouchement…
Cependant, Nina a vite ressenti les affres du dilemme partagé par de nombreuses femmes : vouloir rester avec son enfant, tout en reprenant sa carrière professionnelle. « J’en ai pleuré. J’étais tiraillée entre l’envie de retourner sur le terrain et de ne pas laisser tomber mon club et mes coéquipières, et la peur d’abandonner mon petit », se souvient-elle. En dépit de l’incompréhension manifeste masculine, très prégnante dans le sport de compétition où les hommes détiennent le pouvoir, la jeune maman a réussi à obtenir qu’en cas de déplacement pour un stage de plus de dix jours, sa famille pouvait lui rendre visite deux ou trois jours. Un beau geste de la part de l’encadrement de l’équipe de France.
En 2012, celle qui a en tout remporté onze championnats de France et été vice-championne du monde l’année précédente songe à sa reconversion. Une période délicate pour tout grand sportif. « J’ai créé ma société de communication, NK Sport Connexion, qui proposait du coaching aux entreprises. Cela a bien marché grâce au bouche-à-oreille. J’ai aussi commencé à faire des chroniques sur le handball dans les médias, dont Mirabelle TV et même France Télévisions. Je me suis découvert une nouvelle passion ! », confesse Nina, qui ne supportait plus de ne faire que du handball. Pendant quatre ans, jusqu’à sa retraite des terrains en 2016, la jeune femme a cumulé avec fierté la triple casquette d’auto-entrepreneur, maman et sportive professionnelle.
Quand elle a arrêté le handball, tout le reste a cessé aussi. « J’étais persuadée que je trouverais autre chose, mais rien ne s’est présenté. J’ai fait l’erreur de ne pas avoir osé frapper aux portes, par pudeur. J’ai manqué d’accompagnement de fin de carrière et de transition, témoigne la jeune femme. Il est compliqué de passer d’un statut où l’on est connu, à plus rien. On se remet en question, on se dévalorise. En plus, je suis tombée enceinte, ce qui était souhaité, mais pas forcément pratique pour trouver un poste ! »
Depuis 2017, Nina Kanto a connu plusieurs expériences professionnelles intenses : d’abord un poste à la communication de Metz Handball, avant de prendre la direction commerciale de Belgatrans, pour gérer la logistique de la flotte de transport de personnes. Quand la Covid-19 a frappé, « mon patron m’a proposé de faire la même chose, mais pour le transport de marchandises. Je suis passée des paillettes aux palettes », rit-elle. Mais cela représentait beaucoup de déplacements et Nina a préféré rejoindre Metz Techno’pôles, où elle est chargée des partenariats.
Oser vivre ses rêves… Nina puise sa force dans son éducation, sa foi et son histoire : « J’ai toujours vu ma mère se battre comme une lionne pour nous nourrir et nous vêtir correctement. Et être une jeune femme noire issue de l’immigration, qui a vécu dans le “9-3”, ça fait démarrer sa vie avec un gros malus. Prouver que tous les jeunes issus des quartiers ne sont pas forcément voués à devenir délinquants me tenait vraiment à cœur ! » Sa plus belle réussite ? Sa famille. En dépit de tout, Nina a su maintenir un équilibre dans son couple et fonder un foyer. La résilience, déclinée au féminin, elle connaît ! « Si chaque femme est différente dans son approche et sa sensibilité face aux épreuves de la vie, je suis convaincue que nous avons toutes en nous cette force, ce supplément d’âme nécessaire pour faire face à l’adversité. »
Propos recueillis par Géraldine Couget